private : D

Etoile de Crocodaïyle ♪
« ♥ privé »

Je m’étirai aussi loin que possible, essayant de dénouer mes articulations. Nous étions encore en été, mais l’humidité se faisait ressentir, et bien que ma tanière soit très agréable et recherchée pour sa fraîcheur en été, je me plaignais souvent de sa froideur l’hiver. Je me sentais un peu seule et délaissée, lors des longues nuits hivernales, quand seul le vent m’accompagnait dans mes rêves. La tanière des apprentis me manquait cruellement, et je me mis à jalouser les chatons qui dormaient bien tranquillement dans la pouponnière. J’enviais même parfois les guerriers de mon Clan. Mais ce qui était le plus amusant – hrm – était que ma sœur était dans le même cas que moi. Dans sa tanière, près du Promontoire, elle devait se sentir bien seule. Encore que moi il arrivait qu’un patient reste quelques jours dans ma tanière, et entendre une respiration s’élever dans l’air que je respirais était quelque chose de plutôt rassurant. Contre toute attente, j’avais peur du noir. Cela pouvait paraître ironique pour un chat, et encore plus pour un chat venant du Clan des Ombres, mais bon.
Je n’avais jamais réussi à dompter cette angoisse qui grandissait en moi lorsque les ténèbres m’entouraient. J’étais souvent bien heureuse de m’enfoncer dans des rêves prémonitoires ou non.

C’était donc en cette fraîche et belle matinée que j’étais sortie de ma tanière. J’avais regardé le camp s’éveiller, enchantée par ce spectacle quotidien. Les chatons sortaient de la pouponnière, tantôt suivis de leurs mères. Les guerriers rentraient de leur Patrouille de Minuit, et celle des Aurores se mettaient en route. Les anciens sortaient une truffe et un œil dehors, mais retournaient bien vite dans leur habitation chaude et confortable. L’air était froid, et j’avais soudainement hâte de revoir la neige tomber des cieux. Les sapins ployaient sous la force du vent, mais ce dernier restait silencieux. Les apprentis sortaient en même temps que leurs mentors, et je remarquai chez eux un désir de connaître – enfin – l’hiver. Cette saison dont tout le monde parlait pour sa beauté et sa fatalité. Car il ne fallait pas se voiler la face : même si l’hiver était une saison terriblement belle, elle était aussi étrangement mortelle. Le froid venait souvent à bout des plus frêles chatons et des plus vieux anciens. Elle amenait deuils et tristesses, et pour ne pas s’ennuyer, ils apportaient la maladie avec eux. Et même si j’avais extrêmement envie de me rouler dans la neige, je n’avais pas envie de manquer de plantes, ou encore que ma tanière soit assaillis de patients…

J’étais donc partie assez guillerette du Clan, et avait laissé mes pattes me guider là où elles en avaient envie. Je dépassais rapidement les terres du Clan de l’Ombre, et je croisai souvent des pousses importantes pour ma « collection » médicinale. J’avais envie qu’un apprenti vienne me seconder pour ramener gentiment les plantes dans ma tanière pendant que je continuerais de me balader. Mais débuter l’entraînement d’un apprenti en hiver n’était pas forcément la meilleure saison… et le pire était que j’étais encore très jeune. C’était souvent l’âge qui me faisait défaut dans mes interventions. Je n’avais pas les réflexes assimilés depuis de nombreuses lunes. Certaines blessures m’étaient inconnues et j’avais peur de devoir enterrer – à nouveau – un camarade. Je m’ébrouai pour chasser cette idée morbide de mon esprit, et remarquai que j’étais enfin arrivée à mon point de chute. Je contemplai un instant les alentours, et ne pu m’empêcher de constater à haute voix quelques petites choses anodines. J’avais pris l’habitude de me parler toute seule depuis un bon paquet de temps, et ce ne serait pas maintenant que cela changerait. Soudainement, alors que j’allais dévaler la pente pour arriver au milieu du champ de coquelicot, un détail attira mon attention.

Song for Jedi ♪

Les pattes dans la neige. Le museau au vent. Je sentais le pelage chaud de mon frère collait contre le miens. Le blanc et le roux, se mêlant à la perfection. Nous marchions en direction d’un endroit que nous ne connaissions pas. Nous venions à peine d’être nommés apprentis, et nous en profitions pour être toujours dehors. Devant moi se tenait Nuage de Crabe, mon ‘meilleur ami’. Je ne lui avais pas encore révéler les sentiments que j’éprouvais pour lui, essayant de retarder le moment fatidique le plus possible. Mais je me voyais bien qu’il se doutait de quelque chose. Depuis quelques temps, il ne me parlait plus de la même façon. Son ton était plus velouté, plus calme et plus mesuré quand il s’adressait à moi. Et alors, mon cœur se mettait à bondir dans ma poitrine, tel un tambour. J’accéléra le pas, et je sauta sur le dos de Crabe, le faisant rouler à terre. C’était notre façon de nous amuser à nous, les apprentis. Nous nous battions pour ‘faire semblant’. Avoir l’air débile nous passait alors bien au dessus de la tête à cette époque là. Notre passe-temps favoris était alors de nous battre, et de nous rouler dans la boue - à défaut de boue, c’était cette fois la neige qui l’emportait. Je mordais - gentiment - l’oreille à Nuage de Crabe, lorsque je sentis soudain un poids sur mon dos. Mon frère et les autres avaient décidés de se mêler au jeu. Nous nous mîmes donc tous à nous battre en rigolant, et ce fut en rigolant que nous arrêtâmes notre jeu, trop fatigué pour continuer. Nous nous étions laisser descendre la colline en roulant, pour finir dans un endroit que nous ne connaissions pas. Nous étions donc totalement perdus, mais personne ne semblait s’en soucier. Le bonheur d’être ensemble était bien plus important, nous nous occuperions des conséquences après.

Je marchais aujourd’hui sur cette même terre. J’étais beaucoup plus grande, et à présent chef de clan. Mais mon insouciance, et le bonheur que j’avais face à ces souvenirs restaient les mêmes. Je souriais au vent - car oui, un chat peut sourire. Mes yeux couleurs vert-noisettes pétillaient, tandis que je revoyais Nuage de Crabe devant moi, alors que j’allais lui sauter dessus. C’était le seul mâle duquel j’étais tombée amoureuse. Depuis lui; plus rien. Comme-ci mon cœur craignait d’être brisait une nouvelle fois, comme-ci on voulait me préserver malgré moi. C’est ainsi que je m’imaginais, moi, chef du clan du tonnerre sans descendante. Je serais sûrement la première meneuse à qui ça arriverait, mais tant pis. Je ne suivrais pas ces clones qui croyaient qu’être pareil que son prédécesseur assurait un avenir stable. D’ailleurs, c’était en obéissant à mes propres lois que j’en étais arriver là. Qui aurait put se douter qu’une traître telle que moi, n’aillant même pas une part de sang du Clan du Tonnerre, arriverait à se hisser à un aussi rang. Je savais que c’était un honneur pour moi d’être quelqu’un d’aussi important aujourd’hui. Mais je ne pouvais m’empêcher de mentionner mon titre avec une part de dégoût dans la voix. J’aurais voulut rester quelqu’un d’insouciant et sans responsabilités. Mais j’avais déjà compris depuis pas mal de temps que l’on ne choisissais pas son destin, et que le fait que je n’en soit pas contente ne changerait rien. Il fallait que je fasse avec. Apprendre à vivre avec ce qu’on a, ce qu’on est. Ce n’est pas une chose facile mais bon. Dire que tellement de gens réclament pour avoir le pouvoir, et que c’est moi qui n’en voulait absolument pas qui l’a eut.

Soupir.
Ta gueule Croco, tu vas encore déprimer des gens avec tes conneries.

Je regardais les coquelicots, se balançant au gré du vent. J’humais l’air, reconnaissant l’odeur habituelle des lieux, l’odeur de l’un de mes plus beaux souvenirs. Fermant les yeux, je laissa de nouveau le souvenirs me submergeaient. Mais cette fois, ce fut bien plus court. Je sentis une odeur qui ne m’était pas du tout inconnu venir me picoter le nez. Je rouvris mes yeux, brusquement. Ombre. Un membre du clan de l’ombre s’approchait de moi, je le sentais. Je scruta les alentours du regard, avant que mon regard ne croise celui d’une femelle au pelage blanc. Illusion Mortelle.

Les coquelicots se balançaient paresseusement au rythme du vent. Ils tanguaient comme le faisait mon cœur et mon esprit. Je m’assis, laissant l’odeur du Clan du Tonnerre m’envelopper lentement. Je tournais certes le dos à mon ennemi, mais si ses intentions n’avaient pas été pacifiques, je ne l’aurai même pas senti.
Je me passai un coup de langue sur mon buste et continuai de fixer l’étendue rouge qui commençait à prendre des couleurs mordorées. Bientôt les pousses se recouvriraient de neige et je ne pourrais plus admirer l’étendue sauvage comme je pouvais le faire en été.

Je finis tout de même par me retourner : c’était la moindre des politesses que de saluer le nouveau venu. J’arrachai mon regard, bien à contre cœur du paysage, mais rien ne passe sur mon museau de glace. Je m’apprêtais à saluer un guerrier lorsque je remarquai que la personne présente n’était autre que… Ecaille de Crocodile ! La Lieutenant du Clan du Tonnerre ! Remarque, peut-être était-elle passée chef, depuis le temps ? Je m’ébrouai et plantai mon regard dans le sien.

Je ne connaissais pas vraiment Ecaille de Crocodile. Je l’avais juste rencontrée lors d’une Assemblée. Oui, ça devait être ça. Il y avait de ces personnes que l’on ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam mais que l’on pouvait reconnaître. C’était un peu comme Ecaille de Crocodile. D’elle, je me souvenais seulement de son pelage. Un pelage roux, flamboyant sous le soleil lorsque celui-ci ne jouait pas à cache-cache avec les nuages. Des yeux ambrés, brillants d’une lueur que je n’arrivais pas à définir. Elle semblait me reconnaître ce qui était étonnant : je n’étais pas quelqu’un qui marquait les esprits, habituellement. Je n’avais que ma couleur de pelage, aussi blanche que les monts enneigés, qui contrastait merveilleusement bien avec le nom de mon Clan. J’avais un long pelage qui cachait ladite maigreur des chats des ombres ( ceci était naturellement faux ) et je ne faisais… non, je ne faisais mais alors pas du tout guérisseuse du Clan de l’Ombre. Il n’y avait que cela que l’on pouvait, au pire, se rappeler de moi.
« - Bonjour, Ecaille de Crocodile ! »

Non, je n’étais pas une grosse sadique qui sautait sur tout ce qui bougeait pour tout tuer et qui était impolie. Non, je n’aimais pas vraiment parler avec quelqu’un d’inconnu, mais je connaissais les règles et usages d’un dialogue, et la compagnie d’autrui ne me dérangeait nullement. J’avais d’ailleurs tendance à m’ennuyer un peu toute seule, mais passons.
« Parce que les animaux, ignorant la souffrance de la solitude, sont capables de s’amuser tout seuls. » Je n’étais qu’à moitié d’accord avec cette phrase : car même si je me sentais rarement seule, j’étais incapable de m’amuser toute seule… à part les chatons, je voyais rarement un guerrier s’amuser tout seul, m’enfin bon.
« - Comment se porte le Clan du Tonnerre ? »

Bien, qu’elle allait me répondre. Eh oui, à part entre guérisseurs, on donnait généralement peu d’informations sur son propre Clan à un Clan ennemi. Car chaque tribu avait sa fierté, et personne ne souhaitait montrer à quelqu’un d’autre les problèmes qu’avait son Clan. C’était ainsi, et puis c’est tout.

Les coquelicots se balançaient délicatement, telles des poupées de cire que l’on manipulait avec précaution, au gré du vent. Leur paresse me rappela la mienne à l’idée d’être nommée meneuse du clan du tonnerre. Cependant, je continua de contempler ces petits êtres qui dansaient tous ensemble devant moi, en rythme avec le vent. Un sourire s’étala sur mon visage, me donnant un air décontracter tandis que je repensais de nouveau à mes souvenirs d’enfance. Une ombre blanche passa dans mon champ de vision, s’installant à quelques queues de renard de moi. Mais elle garda la bouche fermait, ne me gênant pas plus que ça dans ma transe. Je ferma alors les yeux. Les images s’emparaient toutes seules de moi, me rappelant même le jour où dans ma fuite du clan de la rivière, j’étais passé dans ce même champ de coquelicot. Ma gorge se serra, et un nœud se forma dans mon ventre. Je dus me retenir pour ne pas verser une larme, après tout, je n’étais plus seule. Je sentais presque encore la neige se brisait contre mon visage, et le froid tentant de pétrifier mes membres. Je frémis, et rouvrit les yeux. Illusion Mortelle était toujours là, pas très loin de moi. Je la voyais encore du coin de l’œil, et puis, je la sentais. Je souriais, pensant que son existence devait être bien fascinante. On m’aurait demander mon avis, j’aurais été guérisseuse. Tuer de pauvres innocents ne m’intéressait pas, les mener à la guerre me ferait me haïr; par contre, sauver des vies avait un côté bien plus attirant. Même si en général, la forêt était peuplée de félins sans cervelle, tous méritaient de vivre pour pouvoir réparer leurs erreurs et construire un monde meilleur. D’ailleurs, quand j’étais encore petite, j’allais souvent aider le guérisseur à soigner ses blessés. Il n’avait pas d’apprenti, et j’avais donc put lui tenir compagnie de temps à autre. C’était d’ailleurs en l’aidant à enlever les tiques des anciens - la tâche que j’avais toujours le moins aimé -, que c’était passer l’incident. J’essaya de penser à autre chose. La force de se souvenir me faisait l’effet d’une gifle. J’avais mal au cœur, et je sentais que j’étais en train de m’enrager contre moi-même et ma stupidité. Comment avait-on put me nommer lieutenante après ça ?! Comment avait-on put me laisser être chef après un tel acte de stupidité, alors que tout le clan était au courant de mon passé ?! J’essaya de reprendre mon calme, en respirant profondément. Je savais bien que ce souvenir mettrait un certain à s’effacer, voir à ne jamais s’effacer du tout. Il fallait donc que je pense à autre chose, autre que mon passé. Arrête de te retourner vers ton passé, et accepte ton présent à sa juste valeur; sinon tu risquerais de trébucher, et de tomber. Je me rappela tant bien que mal de cette phrase que les anciens avaient mis un certain temps à m’encrer dans le crâne. Non, pas les anciens du clan de la rivière, mais bien les anciens du clan du tonnerre. Ils avaient été les premiers à avoir confiance en moi, et je leur en était très reconnaissante - s’était grâce à eux que l’ancien chef avait accepté de me garder. Je les en remerciait du fond du cœur, et je savais qu’ils seraient les seuls que je ne me risquerait pas à oublier.

« Bonjour, Ecaille de Crocodile ! »

C’est alors que je me rappela de la présence de la chatte blanche. Elle ne représentait pas un danger pour moi, et je l’avais donc oubliée. Je m’en mordis les lèvres en repensant au temps où mon frère passait son temps à me parler de cette apprentie au pelage blanc qu’il avait aperçu à l’assemblée, et la déception perceptible dans sa voix quand il avait compris qu’elle était une apprentie guérisseuse et qu’une relation avec elle lui était impossible. Bien sûr, hors de question de révéler l’un des plus grands secrets de mon frère, même si il avait été le premier à renier mon nom. Je m’avança d’Illusion Mortelle et m’inclina devant elle, de manière à ce qu’elle comprenne que je lui voue un total respect. Je releva alors les yeux sur elle, un sourire s’étirant sur mon visage tandis que je pensais à la douleur qu’avait eut mon frère à cause de cette douce demoiselle.

« Illusion Mortelle… » la saluais-je à mon tour.

Je me réasseilla, le regard plongeant de nouveau sur les tâches rouges se balançant avec le vent, devant mes yeux. Vie de merde, envie de prendre une gomme, de tout effacer pour enfin pouvoir tout recommencer. Mais en même temps, ce serait trop facile. Chasser le passé d’un revers de main, et se reconstruire une vie à zéro, il n’y a pas plus beau moyen de tricher avec sa propre vie. Et si tout le monde savait faire une chose pareille, les survivants seraient trop nombreux pour que chacun ai une place dans son petit coin de la terre. Le silence régnait alors sur la prairie, mais pas un silence dérangeant, plutôt le genre de silence qui vous réchauffait le cœur et vous revigorez peu à peu.

« Comment se porte le Clan du Tonnerre ? »

Je frissonna. Je ne m’imaginais pas que la guérisseuse au pelage blanc soit la première à briser le long silence. Je m’imaginais plutôt qu’elle était tellement habituée à être dans le silence - avec son rôle au sein du clan -, que ne jamais parler ne la dérangeait pas plus que ça. Cela me donnait limite froid dans le dos. Surtout que j’avais peur de trahir mon clan en répondant à cette question. Pourtant, elle n’avait même pas l’air de savoir que j’étais passée meneuse du clan, et une guérisseuse était censée amener la paix entre les clans, non ? Seul son nom continuait de faire percer l’ombre du doute. Illusion Mortelle.

« Eh bien, notre ancien chef est parti. Disparu du jour au lendemain. » Je pris un air grave. « Je suis donc passer meneuse du Clan du Tonnerre, et je ferais de mon mieux pour me montrer à la hauteur de ce nouveau rang. » dis-je d‘un ton solonnel. « Je comptais faire part de cette situation à la prochaine assemblée. Et comment se porte le clan de l‘ombre ? »

Ecaille de Crocodile.
Elle semblait profondément plongée dans ses pensées, et j’eus un petit pincement au cœur à l’idée de l’en déranger. Cela me fit penser à mon passé. Sans trop de tâche, plutôt beau, d’ailleurs. J’avais vécu toujours auprès de ma sœur, et de toute façon, que vouliez vous. J’avais vingt lunes bien mouillées : rien d’extrêmement grave ne pouvait m’arriver dans un si court laps de temps… quoi que, la vie ne souriait pas toujours à tout le monde. Ma sœur, par exemple. Elle avait perdu deux fois l’amour en si peu de temps ! Cela me faisait penser que grâce à mon statut, je ne pouvais que peu m’amouracher de quelqu’un. Et j’aimais trop la place que j’avais au sein de mon Clan pour écraser les règles de ma patte.
Et si je n’instaurais pas un peu de discipline, qui le ferait ? Ma sœur ? Non, elle avait tellement de compassion, qu’il fallait bien que je l’épaule un peu, tout de même. Je soupirai intérieurement, me demandant vraiment vers quoi je marchais. Ou courrais, plutôt. Et la tête baissée, en plus.
Et puis, à mon grand étonnement, Ecaille du Crocodile me répondit sur son Clan. Elle m’apprit quelque chose d’important, mais pas confidentiel. Elle était prudente. Et j’aimais ça.
Elle m’apprit aussi qu’elle était passée Chef. J’inclinai légèrement le museau, pour lui montrer mon respect : lieutenant et guérisseur étaient sur le même pied d’égalité. Mais lorsque le Lieutenant passait Chef, même s’il devait continuellement un respect au guérisseur, c’était surtout au guérisseur de prouver son respect.
« - Félicitations ! Je devrais donc t’appeler Etoile de Crocodile. »

C’était un fait. Et puis, cela ne changeait pas tellement d’Ecaille, au fond. Au niveau sonorité, je voulais dire. Parce que juridiquement, bien entendu que cela changeait quelque chose.
Je ne connaissais que très peu Crocodile. Mais elle me semblait droite et juste. Le Clan du Tonnerre était certainement entre de bonnes mains.
« - Je suis désolée pour votre Chef. J’espère qu’il reviendra… »

Oui, parce que d’un côté, s’il y avait un nouveau chef, c’est qu’il y avait tout de même un petit côté triste – mis à part si l’ancien chef en avait marre de ses responsabilités et redevenait guerrier, voir même ancien. Mais ce cas était tellement rare que le réjouissement d’un nouveau chef était souvent entaché du deuil de l’ancien.
J’avais aussi peur que nous changions de chef. Certes, mon Etoile d’Innocence avait neuf vies : c’était, d’un côté, mieux. Mais j’avais constamment peur pour elle, et qu’elle ne finisse par mourir. Car même si je possédais beaucoup de talents dans la guérison, le pouvoir de résurrection n’était pas encore à ma portée. Et ne le serait certainement jamais, d’ailleurs. Je coupai un instant mes pensées, répondant à la question de Crocodile :
« - Ma sœur, Etoile d’Innocence est à la tête du Clan de l’Ombre. Ca a l’air de bien se passer. Nous avons vécu des temps difficiles, avec Etoile des Cieux et après. Mais maintenant, cela va mieux. »

Et c’était la vérité. Je n’aimais pas mentir, et je ne mentirais pas. Surtout pas à un chef ennemi. Et puis, je ne donnais pas vraiment d’informations confidentielles, de toute façon.
« - Je me demande ce qu’il advient des autres Clans… »

Et je parlais autant pour moi même que pour la nouvelle chef.

Spoiler:

Ah, cette saloperie de passé ! Si seulement on pouvait prendre un balai, et effacer tout ce qu’il y avait derrière nous; au lieu de laisser la douleur nous tenailler le ventre. Plus je regardais cette demoiselle au pelage si délicatement soigner, son pelage banc renvoyant d’admirable reflets; plus le visage de mon frère me revenait en mémoire. Je ferma les yeux, me concentrant. Mais ce n’eut pour effet que d’augmenter la sensation qu’il était près de moi, son visage se faisant plus présent. Je fronça les sourcils, avant de retourner mon regard vers la prairie. Les coquelicots se balançaient toujours au grès du vent, gardant leur authentique air de pantin. Et c’est alors que la vérité me submergea. Je n’étais pas du genre à prendre la parole, plus celle qui se laissait marcher sur les pieds. Comment pourrais-je aider mon clan à avancer avec autant de défauts ? Mais pourquoi donc m’avait-on pris comme lieutenante ! J’aurais dut refuser cette offre. J’étais trop aveuglée par cette sensation de bien être, d’avoir enfin ma place au sein du clan que j’en avais oublié qu’un jour je devrais devenir chef, et que me nature timide n’aiderait pas le clan. Mais qu’avais-je donc dans la tête ? Trop tard. Le mal était fait, il n’y avait pas de retour en arrière possible.
Mon regard se posa sur la guérisseuse. Elle semblait soucieuse elle aussi, à croire que les temps n’étaient favorables pour personne. Je pris un air compatissant, moi aussi j’allais mal. Mais où était-il partit ? Pourquoi nous avait-il abandonner ? J’avais tellement l’impression de compter si peu pour lui, que je me demande pourquoi je m’y suis attachée. Je suis trop naïve. Il essayait de me lancer des signaux, de me montrer qu’il allait mal, et moi je n’ai rien vu. Et puis non. Ce n’est pas de ma faute si il est partit, il faut que j’arrête de culpabiliser pour rien. Une larme roulait sur ma joue, je ne l’avais même pas remarquer.

« Félicitations ! Je devrais donc t’appeler Etoile de Crocodile. Je suis désolée pour votre Chef. J’espère qu’il reviendra… »

Je lâcha un sanglot, incapable de faire autre chose. J’avais le cœur gros, et une boule coincée dans la gorge. J’avais envie d’être seule, mais pourtant, je n’avais pas envie de quitter la guérisseuse. Je ne savais guère pourquoi, mais sa présence m’aidait à reprendre le dessus sur moi-même. Je ne saurais même pas dans quel état je serais à cette heure ci si elle n’avait pas était là. Peut-être morte de chagrin, qui sait ? Je me laissa tomber dans l’herbe, et me roula un peu sur le dos, tandis qu’un sourire avait pris la place des larmes. Après quoi, je me releva, et me rassis à côté de la guérisseuse. Elle n’avait pas bougé, continuant à regarder l’horizon de son regard pensif. Je commençais à comprendre pourquoi mon frère était tombé sous l’emprise du charme de la jeune demoiselle. Son petit air mystérieux et délicat, c’était ce que cherchais mon frère chez les demoiselles, et malheureusement pour lui, il n’avait pas sut le trouver dans notre clan. Je me rappelle encore les sanglots que j’avais lâcher quand je lui avais annoncé qu’elle était apprentie guérisseuse, j’étais alors trop triste de gâcher son bonheur. Il doit toujours être célibataire en ce moment même. Mais bon, je m’en fiche. Je ne veux plus avoir de nouvelles de lui.

« Désolée… Eh oui, mon nom a donc changé. Je metterais du temps à m’y faire, mais bon, maintenant il faut assumer. J’ai besoin de lui, je ne voulais pas qu’il parte… »

Mon sourire s’effaça, pour laisser place à un regard trouble se perdant dans les méandres des coquelicots. Je n’avais pas la réel impression que cette journée serait plutôt bonne, juste très perturbée. J’en avais déjà marre de mes sautes d’humeur. Marre de moi, en gros. Mais bon, je me répète tellement que je me demande à quoi il me sert de tourner ainsi en rond.

« Ma sœur, Etoile d’Innocence est à la tête du Clan de l’Ombre. Ca a l’air de bien se passer. Nous avons vécu des temps difficiles, avec Etoile des Cieux et après. Mais maintenant, cela va mieux. »

Je lui souria.

« Alors, ce doit être de famille cette envie de régner sur le clan de l‘ombre. » répondis-je avec un air taquin.

J’espérais alors qu’elle ne prendrait pas cela au premier degrés mais plutôt au second degrés, car je n’avait vraiment aucune envie de la vexée.